lundi 5 mai 2014

Pas besoin de faire du sirop pour profiter de l'eau d'érable !

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Louise :
Le printemps est enfin arrivé et nous avons une nouvelle locataire pour le prouver!
Notre nouvelle locataire, la proverbiale marmotte, a choisi d'élire domicile sous la remise. On la voit qui prend un bain de soleil, entre le baril de pluie et la brouette.
Après un hiver ponctué de deux verglas, qui s'est avéré très froid et qui n'en finit plus de finir, la production de sirop n'a commencé ici qu'au tout début avril et encore, lentement, à cause du temps froid qui a persisté. Production médiocre quant à la quantité, mais riche en apprentissages ! D'abord, un imprévu nous a fait revoir nos méthodes d'ébullition du sirop, ensuite, nous avons appris à apprécier l'eau d'érable de diverses façons. Enfin, nous avons filtré notre produit fini pour une toute première fois.

Problème imprévu : 
Voici l'apparence du
dessus de la nouvelle cuisinière
après environ six heures de

cuisson de moyenne à forte
intensité (avant tout
effort de nettoyage).
L'an passé, nous nous sommes rendu compte avec stupeur que le fait de faire bouillir quoique ce soit sur notre nouvelle cuisinière avait un effet d'usure prématuré fort désagréable sur ce nouvel électro-ménager. Je me dois donc de vous en parler. 

D'abord, il faut dire que nous avons fait notre sirop à la maison sur la cuisinière durant de nombreuses années sans problème. Mais c'était sur notre ancienne cuisinière, un vieux modèle des années soixante.

Avec la nouvelle cuisinière, un modèle plutôt bas de gamme en émail blanc, ce n'est pas la même chose. En effet, avec les années qui passent, sa surface devient de plus en plus difficile à nettoyer. Or, faire disparaître des gouttelettes d'eau d'érable caramélisée demande une bonne dose de frottage, ce que la cuisinière n'apprécie pas. C'est que l'émail blanc n'est pas de qualité suffisante. Il se raye facilement, puis la saleté s'incruste dans ces fissures et ne veut plus en partir. 

Je me suis donc dit qu'il fallait absolument en parler sur ce blogue, pour mettre nos lecteurs en garde. Je me suis aussi demandé comment nous y prendre autrement pour faire bouillir notre sirop. Il y a bien quelques méthodes alternatives, dont je vais vous entretenir plus bas, mais la méthode la plus simple d'utilisation de l'eau d'érable est aussi la plus évidente !

Ah ! Divin jus d'érable !

Quoi faire avec toute cette sève ? Tout d'abord, la boire, c'est délicieux. Elle est pleine de nutriments en suspension et elle se conserve très bien quelques jours au réfrigérateur. Elle remplace agréablement le verre de jus du matin et elle est très désaltérante. Petit rappel : consommez avec modération pour vous laisser le temps de vérifier l'effet que l'eau d'érable a sur votre organisme. Certaines personnes ont tendance à faire de la diarrhée quand elles boivent beaucoup d'eau d'érable. Quant à moi, aucun effet du genre. Je pourrais en boire toute la journée.

Vous pouvez aussi congeler l'eau d'érable pour usage ultérieur. Mais attention ! Sachez que lors de la congélation, le sucre et les nutriments se séparent de l'eau et ils congèlent en dernier. Durant la décongélation, c'est le contraire. Ce sont les éléments solides qui dégèlent en premier. Donc, si vous voulez avoir une sève vraiment plus sucrée, n'attendez pas que toute la bouteille soit décongelée pour vider le liquide et  le consommer. Quant à lui, le bloc de glace qui restera dans la bouteille, une fois décongelé à son tour, ne goûtera pratiquement pas sucré.
Au contraire, si vous préférez le taux de sucre original de votre eau d'érable et si vous avez l'intention d'utiliser tout le contenu de la bouteille, attendez qu'il soit complètement décongelé avant de vous en verser un verre.
J'ai utilisé des bouteilles de jus en plastique pour entreposer notre eau d'érable.On peut remarquer que le produit est plus blanc dans le haut de la bouteille. Ce n'est pas un effet de la lumière. Les sucres et les éléments nutritifs semblent être remontés dans la partie supérieure du contenant.
C'est la toute première année que nous nous faisons des réserves d'eau d'érable congelée. Cela se fait très facilement et, à cause de sa teneur en sucre (3 à 5%), la sève de l'érable à sucre ne prend pas beaucoup d'expansion durant le processus. (J'imagine que ce serait la même chose avec la sève de l'érable noir, qui produit lui aussi une sève contenant sensiblement le même taux de sucre, mais moins le cas avec la sève des autres espèces d'érables, car ils ont une moins grande concentration en sucre.)
Après avoir filtré notre eau d'érable, nous pouvons en emplir une bouteille pratiquement aux trois-quarts et la mettre au congélateur sans bouchon durant une heure ou deux. Une fois son contenu congelé, la bouteille est pleine jusqu'au bord. 
Si vous touchez la glace à la surface d'une bouteille entièrement congelée, vous aurez la surprise de toucher une glace très molle qui se transforme rapidement en sirop collant au contact de votre doigt. Goûtez : c'est très sucré. Il ne restera qu'à remettre le bouchon et voilà ! 

Ce phénomène de séparation du sucre et de l'eau a amené des chercheurs de l'Université Laval à travailler sur une méthode de production du sirop d'érable par congélations successives, l'idée étant de retirer les glaçons à mesure qu'ils se forment, puisqu'ils contiennent surtout de l'eau et très peu de sucre. 

Rappelez-vous qu'une seule entaille peut donner 40 litres de sève, les bonnes années. Donc, selon l'espace disponible dans votre congélateur et selon la quantité de bouteilles que vous pourrez utiliser, vous pourrez prolonger le plaisir pendant un bon bout de temps.

Et pourquoi ne pas utiliser l'eau d'érable en cuisine ?

On peut donc se servir de l'eau d'érable comme si c'était un jus de fruit ! Mais elle a plusieurs autres usages, en ajout dans différentes boissons ou comme ingrédient dans une recette. Cette année, mon mari et moi en avons consommé au moins une vingtaine de litres frais et nous en avons donné aux parents et amis. Différentes recettes utilisent l'eau d'érable telle quelle.
Personnellement, à la suggestion qu'une lectrice, Isabel, nous a fait l'an passé, j'en ai utilisé pour remplacer l'eau ou un liquide quelconque dans des soupes, aux carottes, à la courge et aussi au poulet, nouilles et maïs. Mais il me reste à l'essayer dans la soupe aux navets ! J'ai aussi mis de l'eau d'érable dans des smoothies, dans du gâteau et du glaçage à gâteau. J'ai fait cuire des pièces de viande en ragoût et du jambon dans l'eau d'érable. J'ai déglacé mon jus de cuisson après avoir passé des steaks à la poêle. Il existe donc plusieurs façons de l'utiliser.
Depuis peu, il est possible d'acheter l'eau d'érable à l'année longue dans les épiceries. Elle peut s'employer telle quelle ou on peut la faire bouillir. Le lien que je viens de vous donner a plusieurs recettes faites à partir de petites quantités d'eau d'érable. À vous d'expérimenter.
Tout ceci pour vous rappeler que vous pourriez entailler votre érable même si vous n'avez pas l'intention d'en faire bouillir la sève.

Quant au sirop lui-même, mon amie Carmen m'a raconté qu'elle avait vu sur internet une cure de désintoxication au sirop d'érable, au jus de citron et au poivre de cayenne. J'ai fouillé à mon tour et j'ai rapidement trouvé une recette en français que je n'ai pas essayée, mais que je vous soumets quand même, si vous aimez les cures.

Quant à faire bouillir notre sirop autrement, quelques autres solutions s'offraient à nous

D'abord, je rappelle que, si on n'est pas trop pressé, un poêle à bois est tout indiqué pour faire évaporer l'eau d'érable lentement. Mais nous n'en avons pas dans la maison. 

Comme méthode première, nous avons donc décidé d'utiliser la cuisinière quand même, mais en faisant évaporer la sève à feu beaucoup plus bas. Il y a moins de gouttelettes qui éclaboussent autour de la marmite et la surface du poêle atteint des températures moins élevées, donc il y a moins de caramélisation. Ça marche bien, mais il ne faut pas avoir de grandes quantités d'eau d'érable en attente de se faire évaporer, car le processus est pas mal plus lent. 
 Une connaissance de ma soeur disait que ses parents avaient l'habitude de mettre un grand chaudron d'eau d'érable sur feu minimum avant d'aller se coucher. Le lendemain, le plus gros de l'évaporation était complété et ils se retrouvaient avec du réduit prêt à bouillir pour la transformation finale. Nous avons donc utilisé cette méthode, mais seulement durant la journée, quand quelqu'un est dans la maison, par mesure de sécurité. Efficace, moins dur pour la cuisinière, moins demandant pour nous, car nous ne nous sentons pas obligés de rester à côté du chaudron et en plus, la source de chaleur étant moins forte, sa contribution au chauffage général de la maison est plus uniforme.

La deuxième méthode que nous avons testée cette année : utiliser un BBQ ou un réchaud extérieur - l'un comme l'autre au gaz propane. Quelqu'un nous a prêté un réchaud extérieur semblable à celui-ci. Efficace, mais pas économique du tout. De plus, il faut s'installer dans un endroit à l'abri du vent et, autant que possible, faire bouillir quand il ne fait pas trop froid dehors, sinon on se retrouve à "chauffer le dehors" autant qu'à faire bouillir la sève. Si on se fie à notre expérience, le sirop produit de cette manière coûte au moins aussi cher que celui vendu en épicerie.

La troisième méthode, pas encore essayée : le poêle à bois de la remise. Mais pas de chance car, à cause d'un autre projet, nous n'avions plus de réserve de bois à brûler. Or, habitués comme nous le sommes à récolter gratuitement notre propre bois de chauffage à partir du bois mort de notre terrain, nous ne voulions pas acheter une corde de bois de chauffage (nous sommes un peu radins, par moments).

La quatrième : fabriquer un "poêle fusée", en anglais, "rocket stove", un petit poêle extérieur qui dégage beaucoup de chaleur en consommant très peu de bois, sous forme de petites branches, de retailles et de baguettes. Pas question de brûler des bûches dans ce type de poêle pour l'extérieur. 
Un "rocket stove" est très économique à l'usage, et très facile à construire et démonter, mais il faut respecter les proportions optimales pour les dimensions de l'âtre et de la cheminée si on veut un rendement optimal sans fumée ou presque, ce qui fait qu'on ne peut pas utiliser n'importe quelles dimensions de briques ou de blocs de ciment. Notre prototype a fait de la fumée, ce qui veut dire qu'il ne brûlait pas les gaz de combustion et donc, qu'il ne dégageait pas autant de chaleur qu'il aurait dû (en plus d'être polluant). L'évaporation se faisait donc lentement, comme sur un poêle à bois intérieur. Le design sera donc à revoir. Je ferai d'autres essais et je vous en reparlerai. 

Enfin, merci à Glenn pour avoir partagé sa méthode dans son commentaire du 21 avril 2014. Si je trouve une de ces anciennes friteuses-mijoteuses des années 70, je vais probablement me risquer à l'essayer !




Vive la filtration !

 Cette année, mon mari a acheté une feuille de feutre blanc servant à filtrer le sirop d'érable qu'il a acheté dans un magasin spécialisé dans l'appareillage pour l'acériculture. Nous en avons coupé un carré de petites dimensions pour en tapisser notre entonnoir. 
Il est doublé d'un filtre à café ayant pour rôle de retenir les plus grosses particules. 
 Nous avons versé peu à peu le sirop bouillant à travers les deux filtres.
À mesure que les particules solides se sont amassées et que le sirop a refroidi, la filtration s'est faite de plus en plus lente, si bien que les premières tasses de sirop ont pris quelques minutes à peine à passer à travers les filtres, alors que les dernières tasses ont mis quelques heures à le faire. Il a donc fallu faire preuve de patience. 
Mais le résultat en a valu la peine, puisque ceci élimine la "lie" dans le fond de nos pots. 
J'ai appris récemment que ce dépôt provient de l'eau d'érable elle-même. Il est composé de minéraux naturellement contenus dans la sève. Durant le processus d'évaporation, ces minéraux se cristallisent et descendent au fond du sirop. Le sirop est donc parfaitement comestible même avec la présence de dépôt.

La prochaine fois, nous avons l'intention de filtrer notre produit alors qu'il est encore à l'état de réduit épais, puis de reprendre l'ébullition jusqu'à arriver à la consistance du sirop. Nous pourrions ainsi le verser dans les pots propres et secs alors qu'il est encore bouillant, ce qui nous permettrait d'obtenir ensuite une fermeture des couvercles à vide.

Un sirop clair et pur.